Récit d'une course mémorable: Vermont 100 Miles Endurance Run 2013

RÉSUMÉ DE COURSE –
VERMONT 100 MILES ENDURANCE RACE 2013



Les 20 et 21 juillet derniers avait lieu le Vermont 100 Mile Endurance run, un ultramarathon d’une distance de 160 km principalement sur des routes de terres et en sentiers avec un dénivelé positif et négatif d’environ 14 000 pieds (4 267 mètres). Cette année représentait la 25ème édition de cette course. Une des particularités du VT100 est la combinaison d’une course à pied et d’une course équestre sur le même parcours.

Voici le récit d’une journée extraordinaire et également de ma plus grande réalisation sur le plan sportif à ce jour :

L’AVANT-COURSE:

Je suis parti vendredi matin pour le Vermont en compagnie de ma copine Stéphanie qui m’accompagnait pour me suivre sur le parcours aux points de ravitaillement (équipe technique). Nous sommes arrivés sur le site vers 14h00. Je me suis présenté à la vérification médicale qui consiste en une pesée (afin de vérifier la perte de poids pendant la course qui pourrait dénoter une déshydratation). En fait, les coureurs sont autorisés à poursuivre jusqu’à une perte de 5% du poids corporel. Entre 5 et 7% : réhydratation avant de pouvoir repartir et plus de 7% : finito la course! Nous étions pesés avec nos souliers et en linge de course. La balance s’est arrêtée à 149.2 lbs. Après la pesée, nous sommes allés monter notre tente sur le site de camping qui est à une cinquantaine de mètres de la ligne d’arrivée.

À 16h avait lieu la réunion d’avant-course dans laquelle les organisateurs expliquaient les règlements de course et les règles à suivre pour les ‘’crew’’ (équipe technique) et les ‘’pacers’’. Chaque coureur est autorisé à avoir un pacer pour le dernier 30 miles (47 kilomètres) qui se veut une portion de nuit pour la majorité des coureurs. Après la réunion, un buffet est organisé et c’est l’occasion d’échanger avec les autres coureurs. Nous avions une belle délégation québécoise cette année et ce fût très agréable de partager le beau weekend avec les autres coureurs de notre belle province. Après le souper, mon père François est venu nous rejoindre puisque lui aussi venait me supporter en tant que membre de mon équipe technique. Il a ensuite quitté pour son hôtel. Ensuite, un peu de lecture et dodo vers 21h00 (puisque le lever est prévu à 2h15 du matin; la course débute à 4h00 le samedi!).

La nuit avant la course fût plutôt mouvementée du côté météo. Comme si Dame Nature désirait nous lancé un message d’avertissement! Le parcours est déjà réputé pour son grand niveau de difficulté et j’espérais fortement que Dame Nature puisse être assez clémente le jour de la course. Au menu pendant la nuit, des bonnes rafales de vents, une pluie diluvienne et des gros coups de tonnerre. Les éclairs dans les nuages offraient toutefois un spectacle magnifique. En somme, peu de sommeil avant la course mais ça fait partie de la game!

LE DÉPART :

2h15 du matin! BIP BIP BIP! Le réveille-matin sonne! Je sors de la tente et me dirige vers la voiture pour aller déjeuner et pour laisser Steph dormir un peu plus longtemps avant le départ. Un bagel avec beurre d’arachide et une bouteille de Gatorade, un vrai déjeuner de champion! Je m’habille et je mets un petit manteau pour me garder au chaud avant le départ. Les nuits sont plutôt froides au Vermont. J’étais un peu nerveux le matin (et même la semaine) avant la course car je plongeais à tête première dans l’inconnu! À 3h05, je vais réveiller Steph pour qu’elle m’accompagne vers la ligne de départ. J’avais mis des manchettes mais j’ai décidé de les enlever car il ne faisait pas suffisamment froid pour les porter. À 3h50, des feux d’artifice sont lancés pour souligner le 25ème anniversaire de cette course mythique. Un décompte est lancé à 1 minute, puis 30 secondes (décompte lancé par le frère de la directrice de course qui a pas besoin de micro tellement sa voix porte!).

Et c’est un départ pour une longue journée. Je m’efforce de partir à un rythme conservateur car je sais que si je m’emporte, je peux le payer très cher plus tard dans la journée. La première heure se déroule bien, le terrain est relativement plat et on alterne entre des routes de terre et un sentier large dans le bois. C’est toujours magique de partir à la lampe frontale dans le noir. Vers 4h50, on entend à nouveau des feux d’artifice annoncant le départ du 100 miles à cheval qui a lieu à 5h00. Vers 5h15, le soleil commence à se pointer le bout du nez alors j’éteins ma lampe frontale, lampe que je vais pouvoir donner à mon équipe technique à la 5ème station de ravitaillement (1ère station avec présence de l’équipe technique). Je m’efforce de boire régulièrement (boisson à base d’électrolytes GU en capsules) et de manger aux 45 minutes.

Après la 2ème station, une bonne descente sur route asphaltée nous même dans le charmant village de Woodstock où plusieurs spectateurs se sont rassemblés pour nous encourager. Je croise Luc Hamel, un coureur de trail de Sherbrooke qui est venu prêter main forte à un de ses amis de NY qui fait la course. Il prend des photos et m’encourage et c’est plaisant de le croiser.

Mes 2 Mantras pour la longue journée sont :

‘’ Un pas à la fois, pour le plaisir’’ et ‘’La journée m’appartient’’

La journée m’appartient dans le sens que c’est à moi de décider si je profite pleinement de cette expérience incroyable de manière positive!

PRETTY HOUSE (station #5) à STAGE RD (Station #7)

Après un peu plus de 4h00 de course, j’arrive au 36ème km à la station où se trouve mon équipe technique. Je suis content de voir Stéphanie et mon père. À ce moment, j’ai 1h24 d’avance sur un rythme me permettant de faire 24h pour le 100 miles, ce qui est très encourageant. Pour m’aider à garder le bon pace, j’ai couru l’épreuve avec ma montre chronomètre (les batteries de ma montre GPS ne tough pas la run) et une carte plastifiée avec les temps de passage à respecter. Cette stratégie me permet aussi de rester dans le moment présent plutôt que de voir la course dans son ensemble. À chaque fois que je sors la carte plastifiée, c’est pour voir le prochain temps de passage à respecter à la prochaine station. Je ne regarde pas plus loin et ça aide énormément. Je profite de mon arrêt à la station pour remettre ma lampe frontale, me réapprovisionner en bouffe, donner un bec à ma blonde, une poignée de main à mon père et c’est reparti. Je ne m’attarde pas trop!

Je retrouve mon équipe 8 km plus loin, à la station #7 de Stage Road où plusieurs supporteurs québécois se trouvent. Même routine, je mange, je me réapprovisionne. Un merci particulier à Pat Bélanger qui m’a donné un bon coup de main à cette station. Le temps de passage à cette station est 10h08, soit 1h11 en avance sur mon objectif. Tout va toujours bien.

STAGE RD à CAMP 10 BEAR #1 :

Suite à ce bref arrêt, je rejoins 2 coureurs québécois, Daniel Grimard et Vincent Filion avec lesquels je cours un petit bout, parfois avec eux, parfois derrière à une cinquantaine de mètres. À environ 60 km, j’ai comme un petit boost d’énergie et j’accélère le pas. Je dépasse Vincent et Daniel et je file comme l’éclair. Je me sens bien et je profite du momentum en passant très peu de temps dans les stations. J’arrive à Camp 10 Bear (km 76.6) où se trouve mon équipe technique à 13h42 environ, donc 1h43 en dessous de l’objectif de temps de passage, je suis en feu. À cette station une pesée m’attend. La balance indique 149.2, soit le même poids que la veille. Allright! Je profite de cette station pour appliquer de la vaseline dans l’entre-jambe, mettre du nouveau tape sur mes mamelons pour empêcher le frottement.

CAMP 10 BEAR #1 à SEVEN SEES :

La course continue à bien aller. Dans une longue course comme cela, on a des hauts et des bas Après Camp 10 Bear #1, une bonne montée nous attend. Elle se nomme et porte très bien son nom : Agony Hill. Un passage assez dur, autant physiquement que mentalement. Un peu plus tard, en langage ultra, cela signifie quelques heures plus tard, une pluie diluvienne se met de la partie, sans prévenir. Ça joue un peu sur le moral! Cette pluie va durer environ 15 minutes et fait en sorte que je suis trempé de la tête aux pieds. Je me rend compte qu’il y a eu du frottement entre mes jambes. Pour faire une histoire courte et pardonnez-moi l’expression, j’avais les couilles au vif! Je croise alors Vincent Filion qui me redépasse et me demande si ça va. Je lui explique mon problème et il me dit qu’il avisera Steph à la prochaine station afin qu’elle sorte la vaseline en toute urgence. Un autre coureur me dépasse et me voit marcher péniblement. Il me propose de la vaseline qu’il trainait dans un petit tube et j’accepte volontier. Cela soulage momentanément. À ce moment, les pensées d’abandon sont fortes dans mon esprit. Je n’avais pas l’intention de sacrifier une paire de couilles pour une course de 100 miles. Je continue en marchant puisque le terrain continue de monter. Je fini par rejoindre la station #18 au km 97.5. À cette station, je prends le temps de mettre des cuissards afin d’éviter le frottement. Je réapplique de la vaseline, je change de chandail, de bas et de chaussures. En partant de la station, je me sens comme neuf. Un gros merci à Steph et mon père qui ont fait en sorte que le changement se passe rapidement. Je me rend compte que j’ai encore 1h40 d’avance sur mon temps de passage alors motivation supplémentaire!

SEVEN SEES à CAMP 10 BEAR 2:

En repartant comme un neuf, j’accélère le pas et surtout dans les descentes. De Seven Sees à Camp 10 Bear 2, tout va comme sur des roulettes. J’avais hâte d’arriver au Mile 70 (km 113) puisqu’à partir de ce point, Bernard Audet, mon pacer venait courir le reste du trajet avec moi, ce qui représente un grand élan de motivation. En arrivant, je retourne sur le pèse personne et la machine indique 146.9. Ok pour continuer! J’arrive à cette station à 19h22, soit 1h33 en dessous de l’objectif. It’s all good! Je suis surpris de voir Shane Petit, le coureur que j’ai pacé l’an dernier. Je n’ai pas vraiment le temps de lui jaser mais je suis content de le voir.

CAMP 10 BEAR 2 à SPIRIT OF 76 :

Dans l’empressement de repartir rapidement, après une centaine de mètres, je me rend compte que j’ai oublié ma lampe frontale mais heureusement, Bernard part la chercher en courant et reviens me la porter. Cette portion débute avec une bonne côte dans le bois que nous marchons, évidemment. Les 11 km nous séparons de ces 2 stations se font relativement péniblement. Le coucher du soleil et la noirceur viennent jouer dans ma tête et je suis dans une mauvaise passe. Les quadriceps commencent sérieusement à chauffer dans les descentes. Nous finissons tant bien que mal à arriver à Spirit of 76. Stéphanie et mon père voient très bien dans mon visage que je n’entends pas à rire.


SPIRIT OF 76 à BILL’S :

On finit par repartir et j’ai un autre regain d’énergie dans lequel je m’efforce de courir le plus possible car il faut dire qu’après le Mile 70, les portions de marche augmentent grandement, malgré nous! Je me sens tout d’un coup en mission. Je rêve depuis longtemps d’un finish sous les 24 heures et le rêve peut encore devenir réalité. Je travaille fort physiquement et mentalement pour arriver à cette fin. Un peu avant Bill’s (station située au km 143.2), malgré ma volonté à tout casser, mes quadriceps souffrent énormément dans les descentes, m’obligeant à marcher plus que ce que j’aurais espéré. En arrivant à Bill’s à 12h57, l’écart s’amenuise : un petit coussin de 24 minutes pour le finish sous les 24 heures.

Pourquoi tant d’obsession avec le 24 heures? Symboliquement, un ‘’silver buckle’’ de ceinture est remis à tous les participants finissant l’épreuve sous les 24 heures. Les finissants entre 24 et 30 heures reçoivent une plaque. Disons que le ‘’buckle’’ qui était très réalisable, dans mon cas, constitue une récompense assez alléchante!

BILL’S à LA LIGNE D’ARRIVÉE (La déconfiture) :

En repartant de Bill’s, je suis encore en mode ‘’man on a mission’’ car je sais que c’est encore réalisable. J’accélère grandement dans les descentes et mes quadriceps et mes mollets en souffrent grandement. C’est un couteau à double tranchant car en voulant me dépêcher, j’ai crampé solidement des quadriceps et j’ai été contraint de marcher la grande majorité de cette dernière section. Je savais donc que le 24 heures n’était plus accessible. Petite déception mais détermination d’enfer à terminer l’épreuve. L’abandon, à ce stade, n’est plus une option! Stéphanie a même versé quelques larmes lorsqu’elle a vu le chronomètre passer 4 heures du matin. Adorable n’est-ce pas?

Après 3h30 du matin, soit 23h30 de course, le manque de sommeil de fait grandement sentir. En marchant, je me surprends quelques fois, à fermer les yeux et cogner des clous. Je m’imagine même des drôles de formes dans le bois! Hallucinations? Quelques minutes avant de terminer, le soleil se pointait déjà le bout du nez…

Je fini par franchir la ligne d’arrivée à 5h08 du matin. J’ai donc terminé l’épreuve en 25h08. J’ai couru le dernier 30 mètres de peine et de misère, symboliquement. En arrivant, je lève les bras dans les airs dans un grand soulagement. J’aurais aimé être plus enthousiaste mais mon niveau de fatigue était extrêmement élevé. Je me suis rapidement assis dans une chaise et j’ai commencé à cogner des clous. À ce moment, j’avais juste envie de pleurer de fatigue! Le froid s’est rapidement fait sentir alors j’ai mis un polar, je suis allé prendre un hot-dog et un Ginger ale, même si je n’avais pas faim. J’ai monté la petite côte de peine et de misère me séparant de ma tente et je suis allé directement me coucher, sans me changer!


À tête reposée, je suis très fier de cet exploit que je qualifie de summum de l’endurance humaine. Je ne veux pas minimiser l’exploit du Ironman que j’ai complété en 2010 mais le 100 Miles demande d’aller puiser beaucoup plus profond au fond de moi, et c’est ce que j’aime de ce genre d’épreuve. On apprend à se connaître comme athlète mais aussi comme personne et c’est une expérience presque spirituelle!

C’est un énorme sentiment de puissance que de finir une telle épreuve. Je me sens persévérant, déterminé et indestructible.

Indestuctible? Euh ok, mes jambes sont complètement détruites.

Est-ce que je vais recommencer? Sans aucun doute! Je me laisse du temps pour penser à tout ça et laisser la poussière retomber.

REMERCIEMENTS :

Je tiens à remercier Stéphanie mon amour, pour son support comme équipe technique mais également pour son support au quotidien et pour me permettre d’aller courir pendant des heures. Merci à mon père François de m’avoir aidé tout au long de l’épreuve. Un gros merci à Bernard Audet, mon bon ami et pacer qui m’a supporté mentalement dans les derniers miles. Merci à la boutique Jog-X pour les excellents conseils et produits de course à pied. Un énorme merci à mon coach Éric Deshaies pour ses conseils et son super suivi! 


Un gros merci également à toute la belle gang du Québec qui était présente à cette course. Ce fût une expérience très enrichissante de vous rencontrer, d’échanger avec vous et de partager notre passion commune! Au plaisir de vous revoir! 

Commentaires

  1. Merci pour ce compte-rendu détaillé et instructif. Et surtout, félicitations d'être arrivé au bout de cette épreuve, tant physique que mentale.

    Mais quel sera le prochain défi ? J'ai bien hâte de lire la suite !

    Joan

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  2. J'adore ton récit Vincent, tu écris bien, on revit la course à tes côtés. Félicitations pour ta persévérance et une course intelligente, malgré les quads bloqués (j'avais vécu cela aussi l'an passé)... J'ai bien hâte à la prochaine occasion où nous partagerons la route... on se tiendra au courant sur fb!

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