L'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours: chronique de Bear Mountain

Samedi dernier, le 3 mai, je prenais part à ma première course de trail de la saison, le 50 Miles (80 km) de Bear Mountain, course chapeautée par The North Face. Cette course représentait pour moi une vengeance puisque l'an dernier, suite à une blessure au tendon d'achille, j'ai été contraint à l'abandon.

Voici donc le récit de cette vengeance.

Étant donné le départ tôt samedi matin, j'ai pris la route en direction de Bear Mountain vendredi. Un bon 6 heures! Au douanes, le douanier me demande où je vais. Je lui répond: Bear Mountain, NY. Il répond alors: Ah, tu fais la course? Je répond par l'affirmatif et celui-ci me souhaite bonne chance. Pour cette course, j'ai eu la chance d'être hébergé chez un ami coureur, Shane, qui demeure à une vingtaine de minutes du site de la course. J'ai rencontré Shane en 2012 alors que j'ai été son ''pacer'' pour le dernier 30 Miles du VT100.

Pour souper, nous allons soupé au restaurant et je commande une assiette de pâtes. Il m'averti que les portions sont gigantesques et me met au défi de terminer mon assiette. Défi que j'ai évidemment échoué...

Une fois revenu chez lui, nous avons regardé le film ''Unbreakable'' qui relate la course du 100 Miles de Western States de 2010. Un classique qui motive à tout coup! Je commence à cligner des yeux à 9h15 et décide sagement d'aller me coucher.

Samedi matin: lever à 3h00. Je bois une demi-tasse de café et je mange un bon bol de gruau avec du syrop d'érable. Shane vient me reconduire au départ et j'arrive sur le site à 4h15. Je fais ma petite routine pré-course: j'épingle mon dossard, pit-stop aux toilettes, je vais porter mes 2 drop bags et j'attend à 4h45 pour enlever mon manteau et mes pantalons et pour aller porter mon gear bag puisqu'il fait 8-10 degrés. Je rencontre d'autres québécois, d'autres mordus d'ultra et nous discutons en attendant l'heure véridique: 5h0 du matin! Il y avait 3 vagues de départ pour le 50 Miles puisque nous étions 300 coureurs en piste. J'étais dans la troisième vague qui partait quelques minutes après les 2 premières. Le président d'honneur, Dean Karnazes, surnommé ''Ultramarathon man'' y va de son traditionnel mot de bonne chance. Il nous dit, comme l'an dernier, de faire attention aux roches qui peuvent être glissantes.

Je m'aligne près de l'arche de départ et c'est parti! Je pars à un bon rythme mais tout de même conservateur puisque je sais que ce sera une longue journée... Après 15 minutes seulement, je me rend compte que les sentiers seront bouetteux et plutôt que d'éviter les flaques comme le font beaucoup de coureurs autour de moi, je file droit dans la boue! Quel plaisir tout de même! À quoi bon faire un mile d'extra quand je sais pertinemment que je vais finir tout crotté... Le premier 42 minutes entre le départ se passe relativement bien mis à part un vol plané me laissant des petites cicatrice sur le coude, les mains et les coudes et plein de boue sur le chandail. Plus de peur que de mal!



En arrivant à la première station ''Anthony Wayne'', j'en profite pour enlever ma lampe frontale (la clarté est arrivé vers 5h30) et mes manchettes puisque ça se réchauffe tranquillement. Je lave également mes bobos et mes mains et je repars. Je suis dans mes temps! Mon objectif premier étant de terminer et mon second objectif de terminer sous la barre des 12 heures, soit avant 5h de l'après-midi. Pour garder le cap sur mon objectif et aussi pour demeurer dans l'instant présent, j'ai utilisé une ''pacing chart'' plastifiée qui m'indiquait à quel heure je dois arriver aux différentes stations de ravitaillement pour être dans les temps. J'aime beaucoup faire ça puisqu'entre deux stations, sans trop savoir où je suis rendu, je ne pense qu'à courir!




Je poursuit ma route avec le levé du soleil qui déploie ses rayons sur les flancs des montagnes. C'est vrai que l'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt après tout... Un peu plus loin, j'entend un coureur qui, écouteurs aux oreilles, se met à chanter horriblement. Quelle pollution auditive comparé aux chants des oiseaux. Dans les courses, il y a deux types de gens qui me tombent royalement sur les nerfs, à lire dans l'ordre:

1: les coureurs qui courent avec leurs clés dans les poches
2: les coureurs qui respirent fort et qui font des bruits en respirant

et maintenant il y a les coureurs qui chantent mal. Je décide que je ne vais pas endurer ce supplice toute la journée. J'en profite donc pour accélérer pendant une descente pendant environ 5 minutes et je réussi à le semer. Les premières heures vont très bien et aux mêmes endroits sur le parcours, je me sens beaucoup mieux que l'an dernier. J'arrive même à la station du 30ème km avec 20 minutes d'avance sur mon chrono de l'an dernier. J'en profite pour manger des patates, des pretzel et enfiler un verre de coke. Je n'ai pas envie de sucré et les patates fonctionnent à merveille! Pour l'hydratation, j'alterne entre la boisson à base d'électrolytes et de l'eau, selon l'inspiration du moment. À cette station, je rencontre un autre coureur du Québec se nommant Benoît. Nous repartons ensemble et nous discutons pendant 5 kilomètres jusqu'à la prochaine station. Une discussion très intéressante sur l'ultra-trail, notre calendrier de course, etc. Benoît revient d'un camp d'entraînement de trail running en Corse, le chanceux! Voilà une des choses que j'aime grandement du monde de la course en trail: l'esprit de camaraderie!

Une fois arrivé à la prochaine station, j'en profite pour déposer mon bandeau dans mon drop bag et le changer pour une casquette. Je suis prêt à repartir et Benoît me fait signe qu'il a besoin de 2 minutes de plus. Je lui dis qu'il me rejoindra plus tard. J'entâme alors la prochaine section de 9 km qui nous ramènera à cette même station de ravitaillement. Une section qui fût somme toute assez roulante et rapide (un sentier de VTT très peu technique). Ça s'apparente drôlement à mon terrain de jeu habituel... les sentiers de l'escapade à Rigaud. Je reviens à la station et me fais offrir une capsule de sel par un ''pacer'' attendant son coureur. Je l'accepte volontier! Malgré le fait qu'il ne fasse pas super chaud, je transpire abondamment et je dois m'assurer de prendre suffisamment d'électrolytes pour ne pas cramper.

La course se poursuit et je fini par atteindre le cap du 60km en 8h10. Je voulais vérifier mon temps à cette marque puisqu'à la fin juin, je ferai le 120km du Ultimate XC et il s'agit d'un aller retour 60km. Je voulais observer mon temps pour avoir un indicateur.

Cette journée là, je n'étais pas le seul à affronter ''l'ours''. Les Canadiens étaient en action en après-midi contre les Bruins et à chaque station de ravitaillement, une fois passé midi et demie, heure de début du match, je demandais s'ils avaient un signal. Négatif à chaque station... Je demanderai une fois la ligne d'arrivée franchie...

Je fini par atteindre la station Anthony Wayne à nouveau. 64 km de complétés. Plus que 16. D'autres coureurs me demandent: how are you feeling? Je leur répond: closer to the end! ;)

Les 16 derniers kilomètres n'étaient pas très techniques, malgré quelques bonnes montées, mais très bouetteuses, à l'image de l'ensemble du parcours. J'avais hâte d'arriver plus que jamais!

Une fois passé la station située à 75km, je sentais que j'approchais. Un coureur du 50km devant moi était complètement hystérique à l'idée d'approcher de la ligne d'arrivée et criait de joie. Quel beau moment positif!
Un peu plus loin, je regarde ma montre et je vois 10h48minutes. Nous sommes en descente et j'accélère drastiquement le pas en pensant qu'il s'agissait peut-être d'une des dernières descente avant de passer dans le tunnel sous la route et finalement dans le gazon jusqu'à l'arche d'arrivée. Au bas de la côte... une autre montée! Ce n'est définitivement pas fini tant que ce n'est pas fini!

Je fini par passé sous la route dans le petit tunnel et je rejoins le grand espace gazonné. Sous un ciel nuageux, le soleil décide de sortir pour souligner mon arrivée. Je termine ainsi cette longue mais belle journée en un temps de 11 heures 8 minutes et 40 secondes. J'ai finalement pris ma vengeance sur ce parcours indomptable. J'ai bouclé la boucle et fermé les livres. Quel sentiment de satisfaction! Je rejoins quelques autres coureurs et je vais me chercher une bonne bière dans le ''beer garden'' une bonne IPA provenant d'une microbrasserie de l'endroit... Je n'avais pas très faim. Après tout, on dit qu'un bière = un steak! ;)



Ce fût une journée très difficile mentalement. Le parcours de Bear Mountain est très difficile par son niveau technique élevé et son dénivelé (2200m.). J'ai entendu dire qu'il y avait eu un nombre record d'abandon cette année...

ET APRÈS?

Prochaine course, le 120km du Ultimate XC de St-Donat les 27 et 28 juin 2014. Une course qui est plus qu'une course puisque les quelques courageux qui osent relever ce défi le font dans le but de sensibiliser les gens à la maladie mentale et à la prévention du suicide, un véritable fléau dans notre société.

Un billet suivra dans les prochaines semaines sur ce prochain défi...

Maintenant, semaine de récup et on repart l'entraînement! ;)




Commentaires

  1. Bravo Vince! Super inspirant! L'an prochain, je t'envoie Stéphane Charles pour les 20 premiers km.

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  2. Vraiment ''hot'' ton récit, tu écris très bien ! Félicitation pour ta course !

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