Récit du Zion 100: Don't mess with the mesas!

C'est dans les magnifiques reliefs montagneux du Utah qu'avait lieu le Zion 100 les 7 et 8 avril derniers (un vendredi-samedi). Voici comment j'ai vécu cette course: 



Préparation & objectifs:

Depuis mon abandon au Beast of Burden, j'ai été en mesure d'effectuer de bonnes semaines d'entraînement. J'ai profité du congé de la relâche scolaire pour faire une grosse semaine de volume (124 km). La semaine suivante, Stéphane S. organisait la 2e édition du Dunham 50, un 53 km dans les routes bucoliques de Dunham et des environs avec un bon dénivelé et une finale houblonnée à la Brasserie Dunham. C'est d'ores et déjà un classique annuel et il s'agissait d'une belle occasion de faire une grosse sortie 3 semaines avant la course. J'ai ensuite diminué drastiquement le volume hebdomadaire pour la phase d'affutage (taper). Je privilégie toujours un 3 semaines de taper pour une course de 100 miles. 

Mes objectifs pour la course de Zion  étaient les suivants: 

- Sécuriser le finish (c'est toujours l'objectif premier). Dans le cas de Zion,l'enjeu majeur était d'entretenir ma qualification à la loterie pour le Western States (j'en serai à ma 4e participation à cette loterie en décembre prochain donc 8 coupons). Il y a aussi que j'avais vraiment faim pour un finish puisque mes deux dernières courses de 100 miles ont été marquées par un abandon. 

- Si tout allait relativement bien, j'enviais une arrivée sous la barre des 26 heures (je me suis mis le doigt dans l'oeil et pas à peu près... plus de détails plus loin!)

- Effectuer une course sécuritaire et ne pas prendre de risques inutiles (certaines sections pouvant être un peu ''tricky''). 

- Bien gérer mon équipement et mes vêtements en fonction de la température. Il s'agissait d'une première expérience de course dans un climat désertique et les différences de température entre la nuit et le jour peuvent être importantes. 

- M'amuser et profiter des magnifiques paysages (lire ici quelques pauses-photo car sur une vingtaine voire une trentaine d'heures, on a le temps après tout...). 

- Vivre une première expérience de 100 miles SOLO (c'est à dire sans le support d'un ''crew'' (équipe technique) ou d'un ''pacer'' (coureur-accompagnateur pour la dernière portion). Je devais donc me débrouiller avec mes propres moyens et mes propres ressources intérieures. Je reviendrai plus loin sur cette expérience. 

Fort contingent québécois:


C'est une imposante délégation québécoise qui prenait part à cette course. Quoi de plus motivant que de pouvoir partager cette aventure avec d'autres coureurs de la belle province et de faire de belles rencontres? 

Sur la distance de 100 Miles:

Stéphane S., Xavier P., Anne B. (accompagnée de sa coach, amie et mentor et coureuse/aventurière chevronnée Hélène D.), Gary B., Martin B., Bruno D. ainsi que moi. 

Sur la distance de 100 km:

Louis A. & Patrick H. 

Sur la distance de 55km:

Annie-Claude V. & Philippe 

D'autres coureurs de Gatineau étaient de la partie mais je ne les ai pas croisé et je ne les connais pas. 


L'avant-course:


J'ai pris l'avion le mercredi 5 avril avec une escale à Vancouver pour finalement atterrir à Las Vegas. Xavier et Annie-Claude étaient sur les mêmes vols. Ils se rendaient directement à Hurricane dans le Utah alors que j'ai plutôt opté pour dormir à Vegas (Stéphane et Gary venaient me rejoindre plus tard avec un autre vol). D'un point de vue logistique, je partageais le voyage avec Stéphane et Gary. Je connaissais déjà bien Stéphane mais peu Gary que j'avais rencontré au Vermont 100 en 2015. J'ai appris à le connaître ce weekend et j'étais privilégié de voyager avec ces deux bons jacks! Good times! 


Ah Vegas! La ville du vice. On n'est à peine sorti de l'avion qu'on est envahi par les machines de jeux. Vous savez ce qu'on dit: What happens in Vegas, stays in Vegas! 
Pour ma part, je n'ai pas de cachette à faire: soirée plutôt tranquille: souper au restaurant, promenade en voiture sur la Strip (Las Vegas Boulevard) ce qui est assez impressionnant avec tous les hôtels et les attractions. Je me sentais comme dans Hangover (les amis et la débauche en moins...). 







Le lendemain matin (jeudi 6 avril): déjeuner à l'hôtel et un petit 2 heures et des poussières de route pour se rendre à Hurricane (Utah). Avec une autoroute en ligne droite (à quelques exceptions près en traversant les montagnes) et une vitesse maximale à 75 miles à l'heure, le trajet a passé assez vite! 


Une fois arrivé à Hurricane, nous en avons profité pour faire quelques commissions (épicerie, Wal-Mart, beer store: le classique d'avant course vous savez!) et pour aller diner dans un petit restaurant mexicain. À partir de 14 h, nous pouvions aller chercher notre dossard au site de la course. Nous y avons rencontré d'autres coureurs du Québec et nous nous sommes donné rendez-vous pour le souper d'avant course dans un restaurant de pâtes. 

Ensuite, nous sommes allé nous installer à l'hôtel et préparer nos trucs pour le matin de la course, incluant nos ''drops bag''. Stratégiquement, j'ai opté pour l'utilisation de deux drop bags aux stations Goosebump (km 57.1, 76.4 et 110.2) et Virgin Desert (km 123.1, 130.7, 140.1 et 151.2). S'en est suivi un petit souper au restaurant où tous les coureurs échangeaient leurs expériences de courses, leurs trucs, leurs craintes, leurs inquiétudes, leurs expérience. Un riche partage! Enfin, retour à l'hôtel, petite bière (somnifère d'avant course comme Joan Roch se plaisait à décrire cette boisson houblonnée) et dodo vers 8 h 30 - 9 h. 

Côté météo, il annonçait entre 18 et 20 degrés pendant le jour et 10 à 12 degrés la nuit avec du temps plutôt nuageux. Probabilité d'averses en avant-midi le samedi (à compter de 9 h). Avec un finish en-dessous de 26 heures, j'allais m'en sauver. J'ai grandement sous-estimé la difficulté du parcours et donc l'estimation de mon temps d'arrivé. 

Avant-départ (matin de la course):



3 h 45 du matin: le cadran sonne. L'heure de vérité a sonné. C'est aujourd'hui que les efforts et l'entraînement assidu se concrétisent. 


Déjeuner (une banane et une barre dans mon cas) et préparation finale de nos trucs. Gary avait par erreur réservé pour trois nuits à l'hôtel pensant qu'il pourrait annuler la nuit de course, ce qu'il n'a pu faire. Il a donc gentiment accueilli nos valises (que nous avions préalablement prévu laisser dans la voiture puisque Stéphane et moi avions réservé deux nuits: l'avantage de courir un 100 miles, on économise une nuit d’hôtel).  

Stéphane et moi: derniers préparatifs avant de se rendre au départ!


4 h 30: on se dirige vers le site de course situé à une vingtaine de minutes de l'hôtel. Il faut d'abord se rendre dans un petit stationnement où un service de navette était organisé pour nous amener au départ/arrivée situé un mile plus loin. 

En arrivant sur le site de la course, on croise les autres québécois le temps d'une photo de groupe. La fébrilité est à son comble! 

La délégation québécoise (de gauche à droite): Stéphane S., Martin B. Hélène D., Xavier P., Anne B., moi, Louis A., Patrick H., Bruno D., Gary B.

Ma conjointe n'étant pas du voyage, j'ai décidé d'utiliser mon SPOT GPS afin qu'elle puisse suivre ma course et avoir une idée d'où j'étais rendu (et pour donner des nouvelles sur Facebook). L'organisation n'avait pas de suivi ''live''. Voici à quoi ressemblait son suivi (organisée la fille!):





Départ - Flying Monkey (km 0 - 6.4):


À 6 h pile du matin avec comme seules lumières le halo de nos lampes frontales, le départ est donné. Discours quasi-absent du directeur de course qui nous indique de suivre les rubans roses et que tout va bien aller. Je ne me place pas trop à l'avant mais pas trop à l'arrière non plus. La première section du parcours est marquée par une montée surnommée Flying Monkey. 

Pourquoi Flying Monkey? Petite leçon d'histoire (en anglais) sur ce lien: http://www.flyingmonkeymesa.com/about_us







C'est immanquable, une envie de pisser survient toujours dans les premiers 15 minutes de course. Après un maigre 3 minutes, je dois m'arrêter sur le bord du sentier. Quelques minutes plus loin, je suis bien réchauffé et décide d'enlever mon petit coupe-vent. Je poursuis mon chemin et fini par rejoindre Anne avec qui je partagerai la montée de Flying Monkey. La montée se passe bien, le rythme est bon. Le sentier étroit ne permet pas de dépassement, c'est donc à la queue-leu-leu que nous effectuons l'ascension. En me retournant, j'aperçois la ligne de lampes frontales qui arpente la montée. C'est toujours un spectacle fascinant! Soudainement, la file de coureur s'arrête. Bouchon de circulation puisque l'on doit s'agripper à une corde pour franchir une section pentue. Le repos bien que bref est apprécié. Un peu plus loi, après 50 minutes, j'arrive au premier ravito situé à 6.4 km. Le soleil s'est levé au-dessus de l'horizon est les rayons orangés frappent de plein fouet les montagnes orangées. Après tout, la vie est plus belle en orange et blanc, non? 

Je profite du ravito pour ranger ma frontale et mon bandeau et pour sortir ma casquette. Je prend  également une petite poignée de jujubes de type ''swedish fish''. Miam! 

Flying Monkey à Flying Monkey (km 6.4 à 16):


La montée jusqu'au sommet de la Mesa (plateau montagneux) se poursuit jusqu'à un sentier plus large de 4 roues. Anne qui est ennuyée par une blessure au ménisque me fait signe de poursuivre mon chemin seul puisque cette section relativement plate risque d'être douloureuse pour elle. Je lui souhaite bonne course et poursuit ma route. Le chemin est assez roulant. Je progresse à un rythme confortable et conservateur en croisant quelques coureurs d'un peu partout au pays d'Oncle Sam (Caroline du Nord, Californie, Alaska, etc.). Je profite également de cette section pour enlever mes manchettes. 

C'est sans histoire que je rallie le second ravito (qui est le même que le premier). 

Flying Monkey à Dalton Wash (km 16 à 24.1):

Deux petits morceaux de melon d'eau et hop! la descente de Flying Monkey. Je demeure prudent puisque certaines sections sont assez escarpées. C'est un vrai plaisir de descendre cette section. 

Au bas de la montée, Louis qui court le 100 km me dépasse. Il a croisé Anne plus haut et m'indique qu'elle est mal en point avec sa blessure et qu'elle sera forcément contrainte à l'abandon. Dommage pour elle mais sage décision pour le futur... Louis poursuit à un bon rythme et me perd dans la brume. 

Je poursuis mon chemin et je croise le stationnement de la course après lequel on traverse une route pour finalement longer une petite rivière que l'on doit traverser. Dans le guide de course, on précise qu'en traversant au bon endroit, nos pieds devraient demeurer secs sans problème. Je prend mon temps pour traverser sans me mouiller les pieds. Mission accomplie. 

Je rallie le troisième ravito après environ 3 heures de course (si ma mémoire ne fait pas défaut). Hélène nous accueille à l'arrivée du ravito et donne un coup de main à l'organisation avec la consignation des # de dossards des coureurs. 

Je ne m'éternise pas au ravito puis je poursuis mon chemin vers la 2e Mesa du parcours: Guacamole). 

Dalton Wash à Guacamole (km 24.1 à 30.6):

Ce segment débute par une courte ascension relativement pentue et une descente vers un chemin de terre. En fait, ce chemin est composé de glaise durcie et inégale en raison des camions qui y sont passés. C'est en alternant course et marche selon les montées et l'angle de la route que je progresse. 

Une bonne petite montée nous attend avant d'atteindre Guacamole. 

Je rempli mes bouteilles. Une d'eau et l'autre de Tailwind (boisson électrolytique). D'autres coureurs mentionnent que la concentration de Tailwind est élevée. Effectivement! Personnellement, j'utilise la boisson d'électrolytes Skratch. J'en avais au départ et d'autres contenants m'attendaient dans mes drop bags. 

Guacamole à Guacamole (km 30.6 à 42.6):

Nous débutons cette section sur des plateaux rocheux pour ensuite déboucher sur un charmant petit sentier longeant la falaise. Les points de vue sont spectaculaires. Quelques pauses photos sont donc de mise!

 Point de vue près des falaises (Guacamole Mesa).

On peut voir la route de terre que nous avons emprunté pour se rendre à Guacamole.

Photo panoramique. Why not?


Le trajet sur le dessus de la Mesa faire une forme de Lollipop, ce qui fait en sorte que je croise mes camarades (Stéphane, Xavier, Bruno et Martin) de course sur le chemin du retour vers la station Guacamole. 

Dans la boucle au bout du ''Lollipop'', les sentiers sont principalements constitués de plateaux rocheux. Une véritable surface lunaire qui est dure sur les articulations et qui force beaucoup de changements de rythme (marche/course). C'est cependant très beau!
Je progresse tout de même avec des 7-8 minutes par kilomètre. 

 Une véritable surface lunaire!

Des paysages comme on en voit peu par chez nous!


La boisson Tailwind me donne des nausées donc je n'y touche plus. Je n'ai par contre qu'une autre seule bouteille de 500ml d'eau alors je dois me rationner. Je manquerai d'eau une quinzaine de minutes à la fin de la boucle... La chaleur commence à augmenter un peu.  

Je rejoint finalement Guacamole pour une seconde fois. Un marathon de complété! 
Ils font cuire du bacon à la station mais je n'en ai pas envie. Je bois un verre de Ginger Ale et empoigne quelques M&M aux arachides. Je rempli soigneusement mes bouteilles avec de l'eau cette fois. 

Guacamole à Dalton Wash (km 42.6 à 49.1):

De retour sur le chemin de terre qui débute par une bonne descente. Je profite du momentum! Par la suite, j'alterne course et marche et je vis mon premier passage à vide. Les roches ont cogner dur sur les jambes et je les sens un peu hypothéquées. 

Je remonte la côte menant à Dalton Wash et en descendant, un spectateur arbore une pancarte (mais seulement une pancarte devant la taille) sur laquelle on peut lire (en anglais): 

Cours plus vite sinon je retire ma pancarte! 

J'accélère puisque je n'ai pas envie de découvrir ce qui s'y cache! Il me dit: va falloir que tu fasses mieux que ça et retire la pancarte. 

Il arbore un speedo avec une autre pancarte sur laquelle il est écrit: Cours plus vite!

Petit moment d'humour qui fait du bien! 

Je rejoins finalement Dalton Wash pour une seconde fois. Près du tiers du parcours de complété. 

Je m'assois quelques instants et prend un verre de coke avec des bretzels. Je rempli à nouveau mes bouteilles toujours avec de l'eau. 

Dalton Wash à Goosebump (km 49.1 à 57.1):

Cette section débute par la traversée de la route. Cela nous mène à un petit chemin de 4 roues dans le désert. J'alterne toujours marche et course, surtout que la plus grosse montée du parcours nous attend. Je veux économiser mes jambes et mon énergie puisque l'ascension s'annonce ardue. J'enfile un gel GU au melon d'eau salé afin d'avoir un petit boost d'énergie pour le défi qui m'attend.

Comme de fait, la montée est très pentue et technique par endroit avec des roches. Plusieurs coureurs prennent régulièrement de pauses afin de reprendre leur souffle. Quant à moi, je progresse lentement mais surement et je ne m'arrête qu'à une seule reprise pour une pause-photo:

Magnifique formation rocheuse en strates. Du bonbon pour les yeux! 

La fin de la montée est moins pentue mais je sens que j'ai laissé plusieurs cartouches d'énergie dans celle-ci. La plupart des coureurs arrivés au ravito au sommet semblent épuisés (moi icompris).  

Dire que je vais devoir descendre Goosebump à la frontale pendant la nuit après 110 km dans les pattes. Aïe aïe aïe!!!

Je m'assois quelques minutes, rempli mes bouteilles et mange quelques jujubes. Entre les ravitaillement, mon alimentation est composée des éléments suivants: jujubes Skratch, gels GU, fruit 2, jujubes aux fruits Mott's, gel Rekarb. Je choisi ce que je mange selon l'inspiration du moment. 

(Goosebump à Gooseberry point):

La section suivante fait beaucoup penser à Guacamole dans la mesure où nous longeons les falaises de la Mesa au début pour aboutir sur une autre section de plateaux rocheux. Les paysages du début sont toujours à couper le souffle, ce qui m'incite à prendre une autre pause-photo:

 Vue sur le majestueux désert et les autres mesas.

 Idem en panoramique!

Une selfie.

Je poursuis mon chemin et rejoins un coureur au téléphone qui semble avoir une conversation d'affaire. C'est particulier! Sans commentaire... 

La section jusqu'à Gooseberry point se fait aussi en alternant marche et course. La surface rocheuse est toujours aussi difficile et me force à marche de longues section. 

Gooseberry point:

Je fini tant bien que mal à rejoindre le ravito Gooseberry à partir duquel nous avons un mile (1,6 km) aller-retour pour se rendre au point de vue le plus spectaculaire du parcours. Gooseberry point. Il s'agit de l'extrémité de la Mesa. 

Ça commence à être très venteux. Je rejoins la pancarte ''turn around'' et continue quelques mètres jusqu'au bout de la falaise. Tant qu'à y être! 

Pause photo (qui ne rend malheureusement pas justice à la beauté du paysage): 

 Gooseberry point.

 Selfie à Gooseberry point. Un must!

Gooseberry point. 

Je reviens ensuite sur mes pas pour un retour au ravitaillement. Je croise plusieurs coureurs et nous nous encourageons mutuellement. 

En arrivant au ravito, je mange quelques morceaux d'orange, rempli mes bouteilles puisque la prochaine section fait une dizaine de km. 

Gooseberry point à Goosebump (km 66 à km 76.4):

Le vent est particulièrement puissant au début de la section et nous longeons les falaises. Je dois tenir ma casquette à quelques reprises pour ne pas la perdre. Cette section parait très longues puisque nous faisons des zig-zags sur les cap rocheux et cela donne parfois l'impression de revenir au même endroit. Je m'encourage en me disant que la mi-parcours approche et que selon mes calculs, je devrais y être en moins de 13 h de course. 

Je rallie Goosebump pour une seconde fois après un peu moins de 12 heures de course. Je prend une pause de 5 minutes pour mettre du ''tape'' médical en arrière de mon talon puisque mes bas ont frottés et qu'une ampoule s'est formée. Je prend également mon drop bag pour faire le plein de collations. 

Goosebump à Grafton Mesa (km 76.4 à 86.1):

Cette section est une route de terre assez large avec un profil principalement descendant. Je cours à un bon rythme dès le début et je me sens revivre. Back from the death comme on dit. Après quelques km, je suis rendu à la mi--parcours en 12 h 20 minutes, ce qui est très bien. Je suis toutefois conscient que la course est loin d'être terminée et que la marche l'emportera sans doute plus loin. 

La batterie de ma montre meurt subitement. Je ne peux donc plus utiliser ma ''pacing chart'' (qui finira par ne plus être utile avec la marche qui l'emporte). À partir de ce point, je serai le ''fatiguant'' qui demande l'heure à tout le monde. 

Je croise les meneurs de course qui ont terminé la section Grafton Mesa avec la descente vers Cemetary. À ma grande surprise, le 3e coureur est Martin. Il m'explique qu'il s'est trompé de chemin à son premier passage à Goosebump et qu'il a fait la section Grafton plutôt que d'aller à Gooseberry point. Il n'est donc pas 3e et l'organisation lui permet d'aller faire l'autre section. Nous nous souhaitons bonne course et poursuivons notre chemin respectivement dans notre direction. 

La fin de ce segment est en pente descente et je cours pour rejoindre le ravito de Grafton. Le soleil commence à descendre graduellement. Je troque la casquette pour mon bandeau et ma lampe frontale. 

Grafton Mesa à Cemetary (km 86.1 à 92.5):

Retour dans des sentiers de type single track qui descentent graduellement vers la descente de la Mesa Grafton nous menant au ravitaillement de Cemetary. 

J'alterne encore une fois course et marche mais la marche l'emporte souvent. D'autres ampoules semblent s'être formées et je devrai sans doute les ''taper'' à chaque ravito d'ici la fin de la course. 

Le soleil qui se couche m'offre un paysage incroyable sur les reliefs montagneux au loin qui prennent une teinte orangée et violette. Quel spectacle magnifique que j'immortalise à l'aide de mon téléphone:



C'est dans une noirceur complète (à l'exception de la lune qui tente de percer les nuages) queje fini par amorcer la descente de Cemetary qui, soit dit en passant, porte bien son nom dans la mesure où plusieurs coureurs qui remontent et que je croise ont l'air de morts-vivants. La distance et le temps commencent à faire leur oeuvre. 

En descendant, on peut voir clairement le chemin que nous devons emprunter pour se rendre à la station puisqu'on peut voir les petites lampes frontales bouger. 

J'arrive au ravito où je demande pour du tape. On me suggère du duc tape pour mes ampoules. J'en applique encore une fois. Plusieurs coureurs semblent découragés. Je ne me laisse pas abattre même si cette course devient difficile, particulièrement avec la nuit qui s'est installée. J'en profite pour mettre mon coupe-vent puisque la nuit est plus fraîche, sans être très froide. On a vraiment de belles conditions météo. 

Cemetary à Grafton mesa (km 92.5 à 100.6):

Je reprend la route vers la montée de la mesa. La montée n'est pas si pire et je réussi à y prendre un bon rythme de marche. La section de single track après la montée me semble interminable. Plusieurs coureurs me dépassent, ce qui me laisse totalement indifférent. Je suis là pour moi, pour terminer selon mes capacités. 

J'arrive au ravito de Grafton Mesa pour la seconde et dernière fois. J'ai emprunté un mauvais chemin pour m'y rendre, ce qui a ajouté un bon 500m. Peu importe! 

Je prend une bonne tranche de bacon et un quesadilla au fromage. Le bacon c'est la vie!
Routine de taper les ampoules et je repars à la marche! 

Grafton mesa à Goosebump (km 100.6 à 110.2):

Je marche la grande majorité de cette section de route de terre nous ramenant à Goosebump. J'en profite pour fermer les yeux en marchant à quelques occasions. La fatigue commence à me rattraper et je marche comme un zombie. 

J'ai hâte d'arriver à Goosebump puisque j'ai prévu y effectuer un changement de bas et de chaussures et que ma belle-fille Joanie m'a écrit un petit mot d'encouragement. Je sais que son petit message mettra un beaume sur ma douleur et les passages à vide que j'expérimente. 

J'arrive au ravitaillement de Goosebump à minuit 45 environ. 

Je change de chaussures, de bas et de chandail (j'opte pour un chandail mince à manches longues). Je change également les batteries de ma lampe frontale puisque la luminosité s'est estompée et que la descente de Goosebump exigera un éclairage de qualité. 

Je prend ensuite le temps de lire le mot de Joanie:

C'est une chanson d'encouragement qui va comme suit (intégralement):

TITRE: prendre des forces

Pam pala palam...
Courir, c'est prendre des forces 
Boire de l'eau, c'est prendre des forces
Manger santé, c'est prendre des forces

Pam pala pala pam pam (2 x)

Preeeeend des forces
Prend des forces (4 x)

Go Vincent Go Vincent, cours, cours cours!

Cette chanson et cette pensée est tout simplement adorable. Bien qu'à ce stade-ci, ni courir, ni boire ne m'aide à prendre des forces et que je ne mange pas santé, la chanson  elle, m'aide à prendre des forces! Merci ma belle JoJo! -xx-

Je croise au ravito un coureur asiatique venu de Shanghai. Il me mentionne être totalement dépaysé par le type de course qui n'a rien à voir avec les courses européennes. 

Goosebump à Virgin Desert (km 110.2 à 123.1):

La prudence est de mise dans la descente puisqu'un faux pas pourrait être lourd de conséquence. Je descend donc doucement et cours certaines sections seulement lorsque je sens que c'est sécuritaire. 

Cette section qui est la plus longue du parcours me semble interminable. Je m'imagine souvent que je verrai des lumières annoncant la venue de la station Virgin Desert mais il n'en est rien. 

Après plusieurs heures, j'aperçois enfin un gros ''spotlight'' annonçant le ravitaillement. Je cours un peu pour m'y rendre. 

C'est à partir de ce ravitaillement que nous devons effectuer trois boucles dans le desert. La boucle rouge (d'environ 7 km), la boucle blanche (d'environ 11 km) et finalement la boucle bleue (d'environ 10 km). 

En me dirigeant vers le ravito, je me dis qu'avec chance, je croiserai mes amis coureurs qui auront déjà quelques boucles de complétées. 

À mon arrivée, on me souhaite la bienvenue mais aucun visage connu en vue. 

Je rempli mes bouteilles, m'assois pour ''taper'' mes ampoules à nouveau. Je semble avoir une véritable collection sous les pieds et lorsque je marche sur des roches, c'est douloureux. Il s'agit d'un mauvais choix de bas (lors de mon changement, j'aurais dû opté pour d'autres bas à orteils Injinji) et j'ai aussi l'impression que mes souliers auraient pu être plus serrés. Pour le moment, rien ne sert de se plaindre ou de s’apitoyer sur mon sort. Suck it up comme on dit! 

RED LOOP (km 123.1 à 130.7):

La boucle rouge est relativement technique mais en intégrant un peu de course, elle passe relativement rapidement. La boucle fini par rejoindre le même sentier que nous avons emprunté pour arriver à Virgin Desert la première fois. 

En arrivant au ravito vers 5 h 45 du matin, je croise Xavier qui a complété les trois boucles et qui se dirige vers le finish. Je lui souhaite un bon finish et lui mentionne que, réalistement, je ne crois pas terminer avant midi. Xavier me dit que Stéphane est sur le point de terminer si ce n'est pas déjà fait. 

Nous poursuivons notre chemin chacun de notre côté. 

WHITE LOOP (km 130.7 à 140.1):

Cette boucle nous amène dans un sentier qui s'éloigne passablement du ravito. J'ai intégré quelques séquences de course. Cette boucle marque également le lever du soleil. Nouveau jour, nouvel homme? Pas tout à fait! 

Je rejoins Virgin Desert pour une 3e fois à 7 h 32. Je suis content d'y croiser Gary qui vient de compléter la boucle rouge. Nous nous encourageons et repartons chacun de notre côté. 

Après chaque boucle, on doit se présenter au bénévole pour faire marquer notre dossard avec la couleur de la boucle. 

C'est l'heure de déjeuner mais le bacon est brulé. Je me contente d'un quesadilla au fromage. 

BLUE LOOP (km 140.1 à 151.2):

J'amorce la dernière boucle. Plusieurs coureurs au ravitaillement dont Xavier m'ont fait part du fait qu'elle paraissait beaucoup plus longue que la boucle blanche. La joie! 

Effectivement, cette section était littéralement interminable surtout en marchant. La vue était belle puisqu'on longeait un petit canyon abritant la rivière Virgin. Les rapidos n'ont pas eu la chance de voir cette vue, ayant arpenté cette section de nuit. 

Vers 9 h, la pluie se met de la partie. Moi qui croyait m'en sauver... Je sors mon manteau que j'avais enlevé après le lever du soleil. La pluie n'est que passagère, heureusement. 

Vers 9 h 45, je termine la boucle bleue en disant au bénévole: ''I'm done with the neverending blue loop'', ce qui le fait sourire.

Je rempli mes bouteilles, prend une poignée de ''swedish fish'' et sans plus attendre, prend la direction de l'arrivée. 

Virgin Desert au finish (km 151.2 à 162):

Selon mes calculs, j'ai possiblement le temps de rallier l'arrivée avant midi (donc un sub 30 heures) sauf que mes ampoules sont souffrantes et me force à marcher puisque chaque pas de course est une torture. 

La section débute avec un sentier de type single track dans le désert et abouti sur une route de terre. Je croise des visages familiers en voiture. Louis et Patrick vont voir leur ami Philippe qui court le 55 km. Ils me demandent comment je vais. Je leur répond que je vais comme un gars qui a hâte de finir ahaha! Ils me disent qu'il me reste une bonne heure de marche avant l'arrivée. En effet, c'est au minimum ce qu'il restait. 

Dans le dernier kilomètre, Annie-Claude qui courait le 55 km me dépasse et me demande comment je vais. Je lui dis que j'ai hâte de finir. 

Je fini par arriver sur la route près du site de la course et je cours la dernière centaines de mètres me séparant de l'arrivée. 

Après 30 h 23 minutes le Zion 100 est dans la poche! Mission accomplie! 
Quel sentiment incroyable que de traverser cette ligne après tant d'efforts. Une course de 100 miles c'est un microcosme de la vie. On passe à travers toute une gamme d'émotions!

Boucle de ceinture:

Xavier m'accueille à l'arrivée et m'indique l'endroit où l'on peut se procurer notre boucle de ceinture (buckle) tant méritée. 

La particularité de cette course est que l'on peut choisir notre boucle de ceinture parmi différents modèles qui sont des pièces uniques fabriqués avec des éléments organiques que l'on retrouve sur le parcours (feuille, bois, etc.). Je choisi la mienne selon m'on inspiration du moment et je ne regrette pas mon choix. 

Le voici, MON PRÉCIEUX:



Appréciation de l'organisation:

Cette course a été beaucoup plus difficile qu'escomptée. La surface rocheuse et la technicité du parcours a certains endroits fait en sorte que l'on ne doit pas juger du parcours seulement par son dénivelé (3200m. dans le cas de Zion). 

Un finish sous les 26 heures était peut-être un peu ambitieux. Ma course a été loin d'une journée parfaite mais compléter un 100 miles est un exploit en soi alors aucun regret. Par dessus le marché, j'y ai vécu l'expérience d'un 100 miles solo, ce qui est extrêmement intéressant puisqu'on ne peut compter que sur soi et on se découvre des ressources insoupçonnées. 

Au niveau de l'organisation, j'ai trouvé qu'à certains égards et sans aucune prétention, il y avait certains améliorations souhaitables. La course n'a pas d'équipe médicale alors que dans un 100 miles, plusieurs soucis de santé et blessures peuvent survenir. Je trouve qu'il s'agit non pas d'un caprice mais d'une obligation de la part des organisations de course. 

De plus, à l'arrivée, il n'y avait pas de bière... Oui, oui, vous avez bien lu! Pour ma part, je crois que c'est un must! Il s'agit peut-être d'une question de permis. J'en ai bu à l'hôtel bien entendu. Pas de musique non plus à l'arrivée. Ça manquait un peu de cachet et de saveurs mais c'est mon opinion...

D'un autre côté, je dois souligner l'effort de l'organisation pour mettre sur pied une course éco-responsable avec des bacs à composte et aucun gobelet, sans parler des toilettes écologiques. 

Après course:

Après la course, nous sommes retournés à l'hotel prendre une douche et quelques bières. Nous sommes rapidement sorti, Stéphane et moi pour quelques cheeseburgers en guise de souper. 

On s'est pas fait prier pour dormir et étrangement, j'ai quand même bien dormi. Une dizaine d'heures environ. 

Le lendemain matin, la délégation québécoise (ou une partie du moins) c'était donnée rendez-vous dans un petit restaurant à déjeuner de Springdale, le café soleil. 

C'était l'occasion de se raconter nos courses et de clore de belle manière le séjour dans le Utah. J'y ai mangé un burrito déjeuner avec un ''side'' de bacon, arrosés d'un cappuchino. C'était absolument délicieux! 

Par la suite, Gary, Stéphane et moi sommes retournés à Vegas en écoutant du gros rap (Dr Dre & Eminem). Nous avions du temps à tuer à Vegas alors petite terrasse avec bières de microbrasserie.

Prochains défis

Mes prochains défi sont les suivants:

- 50 km en amoureux le 27 mai à Hamilton en Ontario (Sulphur Springs).

- High Lonesome 100 les 27-28 juillet (un 100 miles au Colorado en altitude avec un imposant dénivelé, pas pour les doux...)

- Bromont Ultra 160 km les 7-8 octobre prochains. Une vengeance sur mon abandon de l'an dernier. Un 100 miles familial avec ma blonde et les cocos qui viendront m'encourager. Bernard mon fidèle pacer sera également de la partie. 

D'autres belles aventures m'attendent. Pour le moment, je me repose et sirote nonchalamment quelques bières à l'occasion. Life is good!





Commentaires

  1. Bravo! I hope your feet are healing up! Blisters are horrible! Hard to believe there wasn't a medical team... What are they thinking?? Thanks for another great writeup!

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  2. Bravo Vincent ! Merci de nous partager ton expérience ! C'est tout un exploit encore une fois !!

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  3. Bravo Vincent. Bizarrement, c'est rassurant de te lire. :)

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  4. Salut Vincent, bravo pour ta course, super résumé. Je vais faire le 100k en avril 2018, je me demandais si c'était possible de jaser un peu des conditions climatiques vs ton habillement, du terrain /vs équipements que tu as utilisés. Est-ce que je peux t'écrire sur ton adresse personnel? merci!

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  5. Bonjour David! Oui, tu peux m'écrire sans problème et ça me fera plaisir de répondre à tes questions.

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